À la rencontre de Dr BonneBouffe, l’expert nutrition qui ne se prend pas au sérieux

Nathalie Majcher est Diététicienne-Nutritionniste, auteure de livres de nutrition. En 2013, alors qu’elle est étudiante en école de commerce, elle créé le blog DocteurBonneBouffe.com pour apprendre à manger sainement. Face à son succès inattendu, elle décide finalement de devenir diététicienne pour aider des gens qui, comme elle à l’époque, souhaitent mieux manger.

D’où vous est venue l’idée du blog ?

Comme beaucoup d’étudiants, le manque de budget et de temps me poussait à manger mal. Mais contrairement à certains, cela s’est répercuté très tôt sur ma santé.

J’ai créé le blog et le petit personnage de Docteur BonneBouffe pour me motiver à manger mieux à cette époque. Au travers de mes posts, je partageais mes réflexions sur l’alimentation saine, mes découvertes ainsi que des recettes.

Le blog a changé ma vie car, non seulement je ne m’attendais pas à ce qu’il ait un si gros succès, mais j’ai aussi fini par réaliser que la nutrition était ma passion. Après avoir essayé plusieurs expériences dans le commerce international dans de grandes entreprises comme L’Oréal et GAP, j’ai finalement décidé de me former pour devenir diététicienne et aider des gens qui, comme moi à l’époque, souhaitent faire la transition vers une alimentation saine mais ne savent pas s’y prendre. Le petit personnage du blog aide désormais plus de 200 000 lecteurs chaque mois à comprendre la nutrition, mieux manger et cuisiner sainement !

Pourquoi le choix de Dr BonneBouffe comme nom ? Quelles sont les valeurs de votre blog ?

Je suis très gourmande à la base, de plus j’aborde la nutrition de manière à la fois sérieuse et ludique. Je voulais un nom de blog qui représente ce décalage, à travers la juxtaposition de deux termes normalement opposés : “Docteur” et “bonne bouffe”.

  • Le terme “Docteur” est un terme sérieux. Il ne signifie pas que le blog est géré par un médecin au sens propre mais plutôt au sens figuré, à savoir par un expert (un expert en bonne bouffe, ce qui interpelle de nombreuses personnes ha ha !, autrement dit : une diététicienne !). On sait d’ores et déjà que le blog va donc prodiguer des conseils sérieux, tout comme l’est le domaine de la nutrition.
  • Les termes “Bonne” et “Bouffe” : en langue française, on a plutôt pour usage d’utiliser le terme “malbouffe” qui désigne une alimentation qui est mauvaise pour la santé. Par opposition, j’ai voulu utiliser le terme rigolo de “bonne bouffe” afin de contraster et aborder le thème de l’alimentation qui nous fait du bien – du bien au corps mais aussi à l’esprit. A l’époque de la création du blog en 2013, on parlait beaucoup de régimes minceur et très peu de l’importance du plaisir au sein de l’alimentation. Aujourd’hui, on a compris que les régimes trop restrictifs étaient source de frustration, mais à l’époque le blog fut l’un des premiers à montrer qu’il est possible de manger sainement en se faisant plaisir.

Le nom du blog est donc une invitation à aborder la nutrition dans la bonne humeur, de parler de sujets sérieux (la nutrition et la santé) mais de façon ludique et en toute légèreté.

Pour vous, manger sain et mieux, ça veut dire quoi ?

Une alimentation saine est pour moi une alimentation équilibrée, qui fait la part belle aux végétaux et aux aliments bruts, non transformés. C’est une alimentation qui fait du bien au corps et au mental à la fois. C’est donc une alimentation qui n’est pas restrictive : elle autorise les aliments “plaisir” (exemple : produits sucrés) mais en quantités raisonnées.

Je suis persuadée que mieux manger est juste une question de “rééquilibrage”, c’est-à-dire de gestion des fréquences et des quantités. Forcément, on ne va pas manger la même quantité de légumes que de fromage ou de desserts au sein d’une même journée ! Une alimentation saine et équilibrée est une alimentation qui redonne la bonne place aux différents groupes d’aliments, sans les écarter totalement afin d’éviter une frustration.

Quel est l’intérêt de diversifier son alimentation (alterner différentes sources de protéines…) ?

Selon moi, diversifier les sources de protéines a beaucoup d’avantages, que ce soit en termes de santé ou d’écologie :

  • Tout d’abord, commençons par rappeler que nous consommons beaucoup trop de protéines. Dans les pays développés comme la France, le risque d’être carencé en protéines est faible (du moins chez l’adulte) : selon l’étude INCA 2, un Français adulte moyen consomme en moyenne 17 % de l’apport énergétique sous forme de protéines – ce qui est bien plus que les besoins de notre organisme (estimé à 0,83 g par kilo de notre poids corporel/jour, soit environ 9 % de nos calories journalières).
  • De plus, la qualité des protéines animales que nous consommons a changé. Les poissons subissent des problèmes de contaminations à cause de la pollution des eaux de mer. Quant à la viande, aujourd’hui, plus de 90 % de la viande consommée en Europe, que ce soit du bœuf, du porc ou de la volaille, provient d’élevages industriels.
  • Les protéines animales, contrairement aux protéines végétales, posent problème au niveau de leurs apports en graisses majoritairement saturées – qui sont trop présentes dans notre alimentation et qui sont connues pour favoriser les maladies cardiovasculaires en excès.
  • Enfin, parlons de l’aspect écologique ! Nous sommes de plus en plus nombreux sur la planète, et consommer autant de protéines animales à l’échelle planétaire a un impact considérable sur l’environnement. On assiste déjà aux conséquences des élevages intensifs dans le monde (pollution des eaux, du sol et de l’air, contamination des terres et des eaux par les pesticides et les engrais, etc…).

Vous voyez donc que diminuer ne serait-ce qu’un peu notre consommation de protéines animales, au profit des protéines végétales (légumes secs, produits à base de soja ou autres alternatives végétales…) a de nombreux bénéfices !

Qu’apportent la consommation de protéines végétales à notre alimentation ?

Les aliments sources de protéines végétales ont des teneurs plus modérées en protéines : l’excès est donc plus facilement évitable.

Ils ont également un autre atout nutritionnel par rapport aux protéines animales : ils apportent des antioxydants, qui leur donnent une action anti-inflammatoire et basifiante, contrairement aux viandes et produits laitiers qui sont pro-inflammatoires et acidifiants (c’est-à-dire favorisant l’acidification de l’organisme, ce qui crée un terrain propice au développement de maladies). Alors qu’aujourd’hui, nous avons tendance à consommer beaucoup de produits transformés et donc pauvres sur le plan nutritionnel, il me semble indispensable de s’assurer que notre alimentation nous apporte suffisamment de ces composés protecteurs.

Les protéines végétales apportent aussi une variété plus importante de nutriments. Les légumes secs sont ainsi une belle source de vitamines du groupe B ou encore de fibres. Le soja et ses dérivés (tofu, boisson à base de soja, etc.) sont des sources intéressantes de fer, de potassium, de magnésium ou encore de zinc. Les noix, graines et oléagineux apportent des omégas-3, des graisses dont on a tendance à manquer dans notre alimentation et qui nous protègent des maladies dégénératives (Alzheimer, Parkinson…), des maladies cardiovasculaires ou encore de la perte de mémoire liée à l’âge. D’où l’importance de ne pas se limiter à une seule source de protéines végétales, mais à les varier autant que possible.

Enfin, rappelons que généralement les protéines végétales sont plus économes en eau. Elles favorisent également la biodiversité. Leur impact environnemental est donc moindre.

Et quelle place a le soja dans tout cela ?

Au-delà de sa richesse en protéines (en moyenne 35 %), le soja a sa place car c’est l’une des rares sources de protéines végétales contenant tous les acides aminés essentiels. Elle représente donc une excellente alternative aux produits animaux pour les personnes végétariennes ou véganes, car elle limite le risque de carence.

Le soja a également de nombreux atouts santé dont je parle dans un article : il fournit notamment du fer (15 g/100g, soit 7 fois plus que la viande), du phosphore, du potassium, du magnésium, du zinc et les vitamines B3 et B9.

Que vous pensez de la tendance du flexitarisme ?

Le flexitarisme est une tendance que je soutiens car elle permet aux personnes soucieuses de leur santé et de l’environnement de trouver un meilleur équilibre en matière de protéines animales et végétales. Réduire sa consommation de viande ou de poisson permet de continuer à se faire “plaisir” de temps en temps tout en réduisant notre budget (car les protéines végétales coûtent généralement moins cher que les protéines animales) et et en se tournant vers des aliments de meilleure qualité (on peut plus facilement opter pour des viandes/poissons issus d’élevages biologiques, plus respectueux de notre santé et du bien-être animal).

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